A voir à saint germain des
pres
L'ÉGLISE DE SAINT-GERMAIN DES PRÉS
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après
nature, paru en 1890)
L'église et le monastère de Saint-Germain des
Prés remontent, comme l'église cathédrale
de Notre-Dame dans la Cité, et comme l'église
collégiale de Saint-Germain-l'Auxerrois sur la rive
droite, aux plus anciennes époques de la monarchie
mérovingienne, c'est-à-dire à Childebert
Ier et à Ultrogothe, sa
femme, qui régnèrent à Paris de 511 à
538.
Childebert, revenant d'une expédition contre les Wisigoths,
rapporta d'Espagne comme trophées de sa victoire la
tunique de saint Vincent, une croix d'or et de pierreries
conquises à Tolède, et des vases qui passaient
pour avoir appartenu à Salomon. Par le conseil de saint
Germain, évêque de Paris, il construisit, pour
recevoir et garder les saintes reliques, une église
et un monastère à l'extrémité
occidentale des jardins dépendant du palais des Thermes.
Le jour même de la mort de Childebert, en 558, saint
Germain dédia la nouvelle église sous le titre
de Sainte-Croix et de Saint-Vincent, et il y fut lui-même
inhumé lorsqu'il mourut en 596.
Bientôt l'abbaye de Sainte-Vincent ne porta plus d'autre
nom que celui de saint Germain, et devint la sépulture
des rois ; des princes et des reines de la dynastie mérovingienne.
L'abbaye demeura longtemps isolée sur le versant méridional
du petit Pré aux Clercs ; les hautes murailles élevées
autour du couvent en 1239 par Simon, abbé de Saint-Germain,
devinrent en 1368 de véritables fortifications par
ordre de Charles V, qui, en guerre avec les Anglais, craignait
une surprise de leur part contre les faubourgs de Paris ;
en même temps fut creusé un petit canal large
de huit à onze toises et profond de cinq toises, qui
mettait les fossés de l'abbaye en communication avec
la Seine. Ce canal, appelé la petite Seine ou la Noue,
et qui séparait le petit Pré aux Clercs du grand,
comblé vers le milieu du XVIe siècle, devint
ensuite la file des Petits-Augustins, puis la rue Bonaparte.
A la même époque, l'enceinte de l'abbaye, qui
s'étendait sur la rue de l'Échaudé à
l'est, la rue Sainte-Marguerit (Gozlin) au midi, la rue Saint-Benoît
à l'ouest, et la rue Jacob au nord, fut démantelée,
et les terrains qu'elle circonscrivait se couvrirent rapidement
de constructions privées. Deux des anciennes portes
par lesquelles on y pénétrait, celles de Sainte-Marguerite
et de Saint-Benoît, subsistaient encore au XIXe siècle
; elles ont été emportées, ainsi que
les rues
d'Erfurt, de Childebert et Sainte-Marthe, qui dessinaient
une sorte de cloître autour de la place Saint-Germain
des Prés, par le percement de la rue de Rennes.
Il ne reste de l'abbaye et de ses dépendances que des
fragments épars ; enfin, l'église elle-même,
privée des sépultures mérovingiennes
qui, après avoir été violées et
dispersées, se trouvent aujourd'hui réunies
dans les caveaux de l'abbaye de Saint-Denis, a été
cruellement mutilée. Trois fois brûlée
et ruinée par les Normands, elle fut rebâtie
aux frais du roi Robert dans les premières années
du XIe siècle (1001 à 1014), quoiqu'elle n'eût
été achevée que longtemps après.
Le pape Alexandre III en fit la dédicace le 21 août
1163 ; elle demeure, dans ses parties les plus anciennes,
plus âgée d'environ deux siècles que Notre-Dame
de Paris.
Le plan de ce vénérable sanctuaire est une croix
latine dont les croisillons ou transepts sont- extrêmement
courts relativement à la longueur de la nef, 21 mètres
sur 65 ; sa hauteur est de 19 mètres. La nef, accompagnée
de bas côtés, se partage dans sa longueur en
cinq travées ; elle a été refaite, depuis
l'abbé Morard, son premier constructeur, sous Robert
II, d'abord en 1644, puis de 1820 à 1824, et restaurée
encore une fois sous Napoléon III ; les chapiteaux
qui soutiennent les arcs latéraux de la nef ont été
refaits pour la plupart sur le modèle des anciens,
qui sont conservés, au nombre de douze, dans la grande
salle du palais des Thermés.
Le choeur a gardé intact le style du XIIe siècle,
époque de transition, où le cintre et l'ogive
se trouvent en présence. Au-dessus du choeur règne
une galerie dont les baies sont supportées par des
colonnes presque toutes en marbres rares et les autres en
pierres ; leurs chapiteaux sont admirés des connaisseurs
; ils représentent le plus étrange fouillis
de têtes humaines, de lions, de harpies, de branches
de feuillages et d'oiseaux. La nef, entre le porche d'entrée
et le transept, n'est éclairée que par les hautes
fenêtres percées dans le mur du midi, tandis
que la muraille du nord est pleine, les jours, s'il en exista
jamais de ce côté, étant bouchés
par l'une des ailes non démolies de l'ancien cloître,
qui s'applique exactement au côté gauche de l'église.
A l'intérieur de Saint-Germain des Prés, on
voit, dans une chapelle de gauche le tombeau du roi de Pologne
Jean-Casimir Sobieski, mort abbé de Saint-Germain des
Prés en 1672 ; dans une chapelle de droite le tombeau
d'Olivier et Louis de Castellan, tués au service de
Louis XIV ; un peu plus loin, la chapelle des Douglas, princes
d'Écosse. Une double plaque de marbre noir, érigée
en 1819 par les soins de l'Académie française,
renferme les épitaphes de Boileau, de Descartes, du
P. Mabillon et du P. Montfaucon, dont les restes, recueillis
par Alexandre Lenoir au Musée des
Petits-Augustins, furent déposés à Saint-Germain
des Prés après la suppression du musée.
Au cours de sa dernière restauration, l'église
entière, depuis la voûte jusqu'aux murailles,
a été peinte de diverses couleurs, sous la direction
de l'architecte Baltard ; cette décoration polychrome
s'applique même aux colonnes, dont les chapiteaux sont
dorés. Tout autour du chur et de la nef, Hippolyte
Flandrin, le plus célèbre des élèves
d'Ingres, a peint à la cire une suite de compositions
tirées de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Cet artiste distingué, et pénétré
de la foi chrétienne qui guidait ses pinceaux, mourut
en 1864 avant d'avoir complété son oeuvre en
peignant les croisillons du transept ; Alexandre Hesse et
Sébastien Cornu ont achevé cette partie de la
décoration générale. Un monument en marbre
blanc, exécuté par le sculpteur Oudiné,
surmonté du buste d'Hippolyte Flandrin, a été
érigé par ses admirateurs et ses amis dans le
bas côté septentrional, qui n'a ni fenêtres
ni chapelles.
Saint-Germain des Prés ne possède plus un seul
vitrail ancien ; les fenêtres sont garnies de verres
légèrement teintés qui n'arrêtent
pas la lumière ambiante. C'est une surprise toujours
nouvelle, pour les visiteurs habitués à voir
les vitraux des églises catholiques réfléchir
les rayons colorés sur des murailles blanches et nues,
d'apercevoir l'effet inverse dans l'église de Saint-Germain
des Prés, où les fenêtres versent la lumière
blanche sur des murailles colorées.
LA SAINTE-CHAPELLE
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après
nature, paru en 1890)
La cour de la Sainte-Chapelle est située à l'angle
sud-est des bâtiments ; comprises entre le bâtiment
du Parquet et de l'Instruction sur le boulevard du Palais,
le bâtiment de la police correctionnelle du côté
de la rue de la Sainte-Chapelle et du quai des Orfèvres,
le pavillon central de la Cour d'appel au nord, elle est fermée
au
couchant par les nouveaux bâtiments de la Cour d'appel,
édifiés sur les ruines de la Cour des comptes
qu'avait reconstruite Gabriel vers 1740, et qu'occupait l'hôtel
particulier du préfet de police, lorsqu'il fut brûlé
par la Commune en 1871. On y pénètre par cinq
entrées : l'une sur le boulevard du Palais, deux percées
au rez-de-chaussée de la police correctionnelle sur
la rue de la Sainte-Chapelle ; un passage à ciel ouvert
conduit du porche inférieur de la Sainte-Chapelle à
la cour du Dépôt de la Préfecture de police
; enfin, elle correspond avec la cour du Mai, au nord-est,
par des arcades percées dans l'aile gauche du pavillon
central.
Le premier coup d'il jeté sur la Sainte-Chapelle
provoque deux sentiments, sinon contraires, du moins bien
différents : d'abord l'admiration pour ce merveilleux
spécimen de l'architecture religieuse au moyen âge,
ensuite le regret et la surprise de la lenteur incompréhensible
qui n'a pas permis d'achever encore le travail de restauration
commencé, il y a un quart de siècle, par MM.
Duban, Lassus, Viollet-le-Duc et Boeswillwald. Derrière
la misérable palissade qui défend à peine
la chapelle de Saint-Louis contre les injures des passants,
le sol est jonché de pierres, de chapiteaux, de fragments
de sculpture, de statues écornées ou mutilées,
qui attendent, non sans moisissures, qu'on leur ait rendu
leur place naturelle dans la grande frise au chiffre de Charles
VIII. L'intérieur de la nef est d'ailleurs splendide.
Nul lieu n'est plus vénérable par ses origines
et par sa haute antiquité.
Une chapelle destinée au service divin dans le Palais
Royal y fut fondée par Robert Ier en 922, l'année
même de son avènement au trône, sous le
vocable de saint Nicolas, et y remplaçait une chapelle
de Saint-Barthélemy qui remontait aux rois de la première
race. Le Palais renfermait en outre plusieurs oratoires particuliers,
l'un, entre autres, au titre de la sainte Vierge. En 1237,
Baudouin II, empereur de Constantinople, de la maison de Flandre,
épuisé par les guerres qu'il avait à
soutenir contre les Grecs, vint en France demander du secours
au roi Saint-Louis. En échange d'une grosse somme d'argent,
il lui engagea sa comté de Namur, et lui permit de
dégager les saintes reliques de la Passion de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, à savoir la couronne d'épines,
l'éponge qui avait essuyé son sang et sa sueur,
la lance dont il avait eu le côté percé,
et sur lesquelles les Vénitiens, les Génois,
l'abbesse de Perceul, Pierre Cornaro et Pierre Zauni avaient
prêté 13,000 huperpers.
Elles arrivèrent l'année suivante et traversèrent
la France au milieu des démonstrations pieuses de tout
le peuple. Le roi lui-même et son frère le comte
d'Artois allèrent les recevoir à Sens et portèrent
sur leurs épaules le pavillon qui contenait la couronne
d'épines ; ils parcoururent ainsi processionnellement
les rues de Sens et celles de Paris, et le saint roi déposa
les reliques dans l'oratoire de la Vierge, en attendant qu'il
élevât un monument digne de les recevoir. Ce
fut la Sainte-Chapelle, dont il posa la première pierre
en 1245. Il en avait confié l'exécution à
l'architecte Pierre de Montreuil ou de Montereau. En trois
ans, elle fut achevée ; l'inauguration en eut lieu
le dimanche de la Quasimodo, 25 avril 1248. Trois années
pour construire un pareil édifice, alors que le XIXe
siècle ne parvient pas à le restaurer en trente
ans !
Les proportions de la Sainte-Chapelle, considérées
comme les plus parfaites que l'on connaisse dans l'art gothique,
sont de 36 mètres de longueur hors uvre ; 33
mètres dans uvre ; largeur extérieure,
17 mètres ; intérieure, 16m,70 ; élévation
extérieure depuis le sol jusqu'à la pointe du
pignon de la façade, 42m,50 ; hauteur de la flèche
au-dessus du comble, 33m,25.
La Sainte-Chapelle se compose de deux chapelles superposées,
n'ayant qu'une seule nef sans transept ni bas côtés,
mais précédées cependant chacune d'un
porche et d'une entrée distincts. La chapelle haute,
à laquelle on accède encore par la galerie de
la grande façade du Palais ou galerie Mercière,
était réservée au roi et à sa
famille, qui pouvaient s'y rendre de plain-pied. La chapelle
basse était destinée aux officiers subalternes
; elle devint plus tard la paroisse de tous les habitants
de l'enceinte du Palais, en vertu d'une bulle du pape Jean
XXII, datée du 5 août 1360, à laquelle
on donna une extension quelque peu abusive. C'est ainsi que
le lundi 31 mai 1677 le curé de la paroisse de la Sainte-Chapelle
maria en l'église bassé Isaac-François
Guérin d'Estriché, officier du roi, c'est-à-dire
comédien de la troupe du roi au théâtre
de la rue Mazarine, avec Armande-Gresinde-Claire-Élisabeth
Béjart, veuve de Jean Poquelin, officier du roi, c'est-à-dire
de l'illustre Molière.
Si la Sainte-Chapelle est admirable comme dessin et comme
proportions, elle est surtout une merveille de construction
au point de vue technique. Elle ne porte que sur de faibles
colonnes et n'est soutenue d'aucun pilier dans uvre.
Les voûtes en croix d'ogives sont fort élevées,
et elles ont résisté depuis six siècles
à toutes les causes de destruction ou d'affaiblissement,
même à ce furieux incendie qui en
1630 consuma la flèche primitive, rétablie par
M. Lassus en 1855. Cependant elles ne sont soutenues que sur
les contre-forts extérieurs. Pierre de Montreuil parvint
ainsi à réduire les murs latéraux à
l'épaisseur de simples piliers, allégés
encore par d'immenses fenêtres, entièrement garnies
de vitraux.
On entre à la chapelle haute comme à la chapelle
basse par deux porches en avant-corps, ouverts par plusieurs
arcs en ogives, décorés de colonnettes et de
voûtes à nervures. La porte de la chapelle basse
contient huit colonnes dans ses ébrasures. Une statue
de la Vierge s'adossait autrefois contre le trumeau. On prétendait
qu'elle avait penché la tête pour approuver les
propositions en faveur de l'Immaculée Conception, formulées
par Jean Duns Scot, qui enseignait la théologie à
Paris en 1304, et que, depuis le jour de ce miracle, elle
avait toujours gardé la tête baissée ;
elle se retrouve au musée de Cluny ; elle est ici remplacée
par une statue moderne.
La décoration des côtés extérieurs
et de l'abside est formée par des contreforts s'élevant
jusqu'au sommet des murs, et surmontés de clochetons
fleuronnés et de gargouilles à figures d'animaux.
Des meneaux, des colonnettes, des roses en pierre garnissent
les immenses fenêtres de la chapelle supérieure,
abritées par des frontons rehaussés de feuillages
; les fenêtres de la chapelle basse, de dimensions plus
restreintes, sont décorées dans le même
style. Une balustrade, percée d'ogives trilobées
et de trèfles, borde la terrasse au-dessus de la corniche.
La charpente des combles fut refaite, il y a trente et quelques
années, en chêne des forêts de Bourgogne,
recouvert de feuilles de plomb.
La flèche actuelle est la quatrième depuis la
fondation de l'édifice ; la première, celle
de Pierre de Montreuil, tombait de vétusté sous
le règne de Charles VI, qui la fit refaire par le charpentier
Robert Foucher ; incendiée en 1630, cette seconde flèche
fut refaite par les ordres de Louis XIII et abattue sous la
Révolution. La quatrième, qui subsiste, a été
élégamment reconstruite par M. Lassus dans le
style fleuri des premières années du XVe siècle,
pour rappeler la flèche de Charles VI. A la croupe
de l'abside, sur la pointe du comble, un ange colossal tout
en plomb, modelé par M. Geoffroy Dechaume, tient une
croix de procession et tourne sur son axe au moyen d'un rouage
d'horlogerie, montrant successivement la croix à tous
les points de l'horizon.
L'intérieur de la Sainte-Chapelle ne contient plus
aucune des richesses de toutes sortes qu'y avaient accumulées
Saint-Louis et ses successeurs. Une partie des saintes reliques
fut heureusement sauvée et se retrouve aujourd'hui
dans le trésor de Notre-Dame. La châsse qui les
renfermait fut envoyée à la Monnaie au commencement
de la Révolution pour être convertie en lingots.
Le célèbre camée représentant
l'apothéose d'Auguste
est conservé au cabinet des médailles de la
Bibliothèque nationale, sous le n° 188 du Catalogue.
Mais si la Sainte-Chapelle est vide de ses trésors,
elle conserve le plus précieux de tous, au point de
vue artistique, dans la collection de ses verrières,
qui se développent dans tout le pourtour de l'édifice.
Elles datent du règne de Saint- Louis, à l'exception
de celles de la rose, qui furent transformées sous
Charles VIII ; elles étaient posées le jour
de la consécration de l'édifice en 1248. Pendant
quarante-six ans (1791 à 1837), la Sainte-Chapelle
avait été abandonnée aux usages les plus
divers : salle de club, magasin de farines, enfin dépôt
d'archives ; cette dernière affectation paraissait
la moins dangereuse ; elle détermina cependant les
plus sérieuses dégradations ; on commença
par supprimer trois mètres de vitraux dans le bas des
fenêtres, pour les remplacer par des armoires et des
casiers ; les vitriers chargés de nettoyer les verrières
les avaient démontées et remontées au
hasard sans tenir compte du classement primitif ni de l'ordre
des sujets, tous empruntés aux livres saints, ensemble
plus de mille panneaux coloriés, animés par
environ dix mille personnages.
La restauration de cette uvre colossale avait été
confiée, après un concours public, à
M. Henri Gérente, l'un des artistes du XIXe siècle
qui avaient le plus contribué à la résurrection
de la peinture sur verre ; mais M. Gérente mourut avant
d'avoir commencé son travail, qui fut partagé
entre M. Steinheil pour le dessin et la peinture et M. Lusson
pour la fabrication. Le succès le plus complet a couronné
leur travail. En entrant dans la Sainte-Chapelle on est littéralement
ébloui par le rayonnement harmonieux de cette paroi
lumineuse et chatoyante que forment les verrières de
Saint Louis et qui tamise ses ondes colorées sur des
murailles polychromes, rouges et bleues, le long desquelles
les arêtes des voûtes gothiques se profilent en
nervures d'or.
Au fond de l'abside, au lieu d'autel, s'élève,
appuyé sur de minces colonnettes peintes en bleu, le
reliquaire, abrité par une coupole où reposait
autrefois la couronne d'épines qu'on voit représentée
dans la frise polychrome, soutenue par deux anges.
A droite et à gauche de la nef, deux voûtes surbaissées,
abritant les bancs-d'oeuvre, indiquent la place d'où
Saint-Louis et Blanche de Castille, en face l'un de l'autre,
entendaient la messe et les offices. Au pied de la voûte
de droite, on aperçoit une sorte de soupirail grillé
de fer, s'ouvrant sur un réduit, où, d'après
une tradition fort suspecte, le soupçonneux Louis XI
se réfugiait pour entendre la messe sans être
vu. Ce réduit sert de cabinet pour l'architecte de
la Sainte-Chapelle.
LES PONTS DE LA CITÉ
(D'après Paris, 450 dessins inédits d'après
nature, paru en 1890)
on a vu que la Cité était reliée aux
deux rives de la Seine par neuf ponts : quatre sur le grand
bras du fleuve au nord, quatre sur le petit bras au sud, et
le neuvième traversant les deux bras et reliant les
deux rives.
Les quatre ponts du sud sont le Petit Pont, le pont Saint-Michel,
le pont au Double et le pont de l'Archevêché.
Le Petit Pont, qui existait sous la domination romaine, fut
probablement le premier construit à Lutèce,
puisqu'il assurait les communications du vainqueur avec le
Midi d'ou il venait. D'abord construit en bois, rebâti
en pierres par l'évêque Maurice de Sully en 1185,
emporté neuf fois ensuite par les inondations, il périt
à la dixième, en 1718, par l'incendie qu'alluma
dans les maisons dont il était chargé un bateau
de foin enflammé qui s'en allait à la dérive.
Reconstruit la même année, il dura cette fois
cent trente-quatre ans. Ses trois arches furent démolies
en 1852 et remplacées par un pont d'une seule arche
en meulière et ciment, long de 38m,40. La voûte
surbaissée forme un arc de cercle oblique plus élevé
de 1m,50 à l'aval qu'à l'amont ; cette curieuse
disposition a été commandée par l'alignement
du quai de la rive droite.
La construction du pont Saint-Michel ne fut ordonnée
qu'en 1378 et achevée qu'en 1387. Comme il avait pour
utilité de faire communiquer l'île de la Cité
avec
la rive gauche de la Seine, il prit le nom de Saint-Michel
d'une petite chapelle qui occupait l'angle sud-ouest de la
cour de la Sainte-Chapelle dans l'intérieur du Palais.
Rompu par les glaces en 1408, en 1547 et en 1616, reconstruit
tantôt en pierres, tantôt en bois, il fut rebâti
décidément en pierres cette même année
1616, par une compagnie qui se réservait le privilège
pour soixante ans d'y bâtir trente-deux maisons qui
existaient encore dans les premières années
du présent siècle, et ne disparurent qu'en vertu
d'un décret de Napoléon Ier, rendu le 7 juillet
1807 au camp de Tilsitt.
Le pont Saint-Michel est porté sur quatre arches à
plein cintre ; long de 61 mètres et large de 25 mètres
entre les têtes. Dans l'imposte de chaque pile, une
N majuscule taillée en relief dans la pierre rappelle
le règne de Napoléon III.
Le pont au Double fut construit originairement par lettres
patentes de Louis XIII, datées de Fontainebleau en
mai 1634, en vertu desquelles les gens de pied qui
traverseraient le nouveau pont devaient payer un double tournois,
c'est-à-dire deux deniers. Les bâtiments qu'on
y construisit et qui faisaient partie de l'Hôtel-Dieu
furent abattus en 1835 ; il fut remplacé en 1847 par
un nouveau pont d'une seule arche, lequel fut reconstruit
à son tour en 1882. Il fait communiquer la rive gauche
avec le Parvis Notre-Dame et la rue d'Arcole.
Le pont de l'Archevêché, qui conduit du quai
Montebello au terrain occupé par le square et la fontaine
de la Vierge, ne date que de 1828 et fut construit en vertu
d'une ordonnance du roi Charles X, du 6 décembre 1827
; il est d'une longueur de 67m,20, et compte trois arches,
celle du milieu de 17 mètres d'ouverture et les deux
autres de 15 mètres.
Tournant du sud au nord, en passant entre le terrain de l'Archevêché
et la Morgue, on rencontre le pont Saint-Louis, qui mène
dans l'île de ce nom. Les vicissitudes de ce pont, dont
l'assiette est aujourd'hui si solide, défrayeraient
une monographie spéciale. Primitivement construit en
bois par le sieur Marie, concessionnaire des travaux de l'île
Saint-Louis, il fut construit entre les années
1624 et 1634. A moitié emporté par les glaces
en 1709 ; totalement détruit en 1710, reconstruit,
toujours en bois, en 1717, et barbouillé de rouge,
d'où le nom de Pont-Rouge sous lequel il fut longtemps
désigné, il fut emporté, comme tant d'autres
choses plus anciennes et en apparence plus solides, dans les
dernières années de la Révolution ; une
crue de la Seine occasionna ce désastre. A sa place,
une société anonyme édifia, en vertu
d'une loi du 15 mars 1801, un nouveau pont en charpente, sur
piles et culées en maçonnerie. Il prit alors
le nom de pont de la Cité. Au bout de quarante ans,
il tombait en ruines et ses concessionnaires furent autorisés
en 1842 à le convertir en une passerelle suspendue
en fil de fer et n'ayant qu'une seule travée ; enfin
la passerelle elle-même a disparu ; un beau pont en
pierre de taille a été bâti sous le règne
de Napoléon III, en 1861-1862, un peu au-dessus de
l'emplacement qu'occupait le Pont-Rouge.
ontinuons maintenant notre promenade par le quai nord de la
Cité, ci-devant quai Napoléon, aujourd'hui quai
aux Fleurs. |